Nicolas Sarkozy et la politique extérieure: l'afrique noire

Publié le par abou

 L'envie m'a pris d'écrire sur ce thème depuis le fameux discours de N.Sarkozy à Dakar (capitale de mon pays d'origine bien qu’étant né en France mais c'est un autre débat). Discours qui était semble t-il adressé à la jeunesse sénégalaise mais aussi à la jeunesse africaine en général.

 

Ce discours a fait a laissé place à un grand mécontentement dans l'intelligentsia africaine qui déplore le jugement passéiste et réducteur du président français sur les populations africaines. Beaucoup d'ouvrages sont alors parus en réponse à ce discours mais surtout en réponse à une phrase prononcée lors du discours: «le drame de l’Afrique, (qui est) que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire».

 

Cette phrase n'est en effet pas passée inaperçue et même le président A.Wade s'est indigné à l'écoute des mots du président Sarkozy (après qu'il soit parti bien sûr) avant de lui reprocher son manque d'expérience: «Sarkozy vient d’arriver au pouvoir, il a beaucoup à apprendre.» et de condamner l'auteur du discours H.Guaino conseiller du président: «Celui qui a écrit le discours,  est en retard de cinquante ans». Réaction mesurée du président Wade qui confesse que son statut bride sa véhémence: «Je suis un peu limité parce que je suis un chef d’Etat, il y a des choses que je ne peux pas dire d’un Etat ou d’un chef d’Etat»

 

Cet aveu de faiblesse est révélateur d'un mal qui touche les classes politiques de tous les pays à savoir l'incapacité des hommes (et femmes) d'Etat à tout simplement dire ce qu'ils pensent et dans l'espèce à dire avec franchise que l'on se sent insulté par des propos généralistes et paternalistes. On me répondra que la diplomatie est basée sur l'absence de passion dans un débat sérieux mais n'est-ce pas justement ce manque de franchise qui explique aujourd'hui la situation en Géorgie.

 

Insultante, l'allocution l'était assurément et à plus forte raison lorsqu'on a une attache réelle sur le continent mentionné.

On peut penser légitimement que ma position nuit à mon objectivité mais je pense qu'il faut remettre les choses en perspective:

  • la France étant l'ancien pays colonisateur et formateur des actuelles élites noires (l’intellectuel africain Stanislas Spero Adoveti affirmait que:"la négritude est une invention des fils des élites africaines, collabos des colons, envoyés faire leurs études à la Sorbonne à partir des années 30 ; un ethnocentrisme importé, un concept blanc.").
  • élites qui n'ont retenu de leur formation occidentale que la forme ce qui donne des simulacres de démocraties qui autorisent une dictature d'Etat à condition qu'il y ai eu des élections préalables
  • les anciennes colonies n'ayant pour ainsi dire qu'une cinquantaine d'années si on considère leur date d'indépendance (ce qui assez limité pour "entrer dans l'histoire")
  • indépendance qui reste fictive tant elle est réelle sur le plan économique (dettes auprès de le Banque mondiale, absence d'autosuffisance alimentaire...)

L'Afrique n'est donc structurellement pas en état de décider elle même de son propre sort d'autant qu'avec la mondialisation il faut avouer que son destin n'est pas entre ses seules mains. J'en veut pour preuve la situation du Mali qui au jeu des subventions perd sans appel contre les Etats-unis sur le marché du coton

      

D'autant plus qu il ajoute à cela:«Le paysan africain, qui depuis des millénaires vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles»

Comble de l'insulte!!!! Je me permets de commenter ce passage.

                 •    Tout d'abord je constate que le président Sarkozy manie l'amalgame de façon abusive. D'abord il englobe dans son discours la totalité de l'Afrique noire puis il assimile tous les africains à des paysans. S'il avait voulu parler des habitants des zones rurales de France il aurait poliment employé le terme d'agriculteur. Il utilise ici le terme de "paysan" avec tout ce qu'il comporte de connotations péjoratives et avec l'arrogance de la noblesse.

                    •     Par ailleurs il reproche à ces paysans leur inconscience qu'en aux enjeux politiques et économiques qu'ils subissent fatalement du fait de leur inconscience.

                    •     On a aussi droit au cliché du nègre animiste aspirant à une communion avec la nature et n'attendant que l'arrivée d'une pluie salvatrice et annonciatrice de bonnes récoltes. Je lui répondrait qu'il suffit de regarder le JT de J.P.Perneau pour observer que dès que la pluie se fait rare les "paysans" français ne manquent pas de le faire remarquer et de déplorer des mauvaises récoltes car jusqu'à preuve du contraire il faut de l'eau pour cultiver la terre.

                    •      De plus il reproche à ce paysan son archaïsme dans ses méthodes de travail et qu'en somme il n'est pas au diapason d'un monde en constante évolution.

L'envie me prend de lui demander quel mal y a-t-il à vivre des ses cultures et de n'aspirer qu'à vivre en adéquation avec son environnement? Qu'a-t-il à proposer à ces "paysans" qui dépasse à ce point leur entendement?

Il y a en effet de quoi se sentir insulté. Il reprend la théorie de la négritude qui réduit l'homme africain à sa culture à savoir la danse et l'artisanat (je caricature). Concept dévelopé par Aimé Cesaire et reprise par Lepold Sedar Senghor qui font partie des rares noirs francophones à être entrés dans l'histoire (de France); ce concept découle sur un sorte de fierté noire tirée de son passé douloureux. Or à mon sens, il n'ya pas lieu d'éprouver de la fierté pour quelque chose dont y est pour rien (la couleur de peau); de plus la notion de fierté débouchant le plus souvent sur l'idée de compétition cela devient contre-productif (certes l'homme noir a, comme tous, un passé et une culture d'où il tire son honneur et d'après lesquels ils se détermine).

 

Face à cela il y a une réalité économique qui fait qu'aujourd'hui nombre de jeunes partent de Dakar pour atteindre l'Europe et un gouvernement local inactif face à cela trop heureux de pouvoir jouir des rentrées de devises des expatriés (qui constitue une bonne part des recettes) et qui contribue à la modernisation du pays.

D'un point de vue local le "crime" réside selon moi dans le taux de chômage des diplômés qui a défaut de pouvoir travailler dans leur pays sont contraints d'émigrer à l'étranger ne pouvant pas ainsi contribuer à l'essor national (le pillage des cerveaux n'étant pas le seul fait des pays accueillants).  Or si les diplômés sont au chômage que dire des autres et "on empêchera pas les hommes de courir vers les oasis de richesses".

 

De plus on peut reprocher au gouvernements africains de cultiver ce complexe d'infériorité vis à vis des anciens colons; gouvernements qui au sortir de l'indépendance n'ont pas su à mon sens synthétiser les spécificités locales pour former une nation à l'image de sa population.

 A l'inverse le système démocratique à l'européenne a été érigé en modèle tel un postulat; ce qui donne in fine pour le cas du Sénégal une constitution qui est copiée/collée sur celle de la France et la langue officielle est devenue le français en dépit des langues locales. Ajoutez à cela une administration rongée (au plus haut lieu) par la corruption; comment dès lors développer l'idée d'un patriotisme qui sensibiliserait l'homme africain à la cause nationale? Car avant d'être un immigré parasite dans un pays trop généreux (allocations, aide au logement...) on oublie qu'il est d'abord émigré et qu'il quitte sa terre et sa famille.

 

Pour conclure on peut remarquer la suffisance du président Sarkozy envers des peuples qui n'ont rien à lui rapporter d'un point de vue marchand et dont il nie le passé historique. Doit-on rappeler que la France d'aujourd'hui est le fruit de nombreuses guerres et de centaines d'année d'existence?

Nous verrons de ce fait que son discours change dès lors que l'interlocuteur dispose d'une richesse dont il a besoin.

 

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Très bon texte
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